Le potager de mon père
- Nicole Claudine Arboireau

- 14 sept.
- 2 min de lecture
Nous habitions dans les années 50 une maison fin XIXème, au loyer modeste car loin du centre ville à une époque où nous n’avions que des vélos…
Mes parents avaient choisi ce lieu quasi abandonné et retourné à la sauvagerie. Mon père décida de redonner vie à la partie jardinière de ce grand parc livré aux messugues et aux herbes folles.
Au fond du parc, à 150 m de la maison, des restanques empierrées délimitaient ce qui avait dû être, bien avant guerre, un potager… Un robinet de cuivre y pleurait un mince filet d’eau.
Dès l’automne il retourna la terre, ôtant les pierres très nombreuses en jurant un peu. Il ajouta du fumier et attendit qu’une pluie bienfaisante assouplisse cette terre ingrate.
Il dû attendre bien longtemps.
Au printemps suivant les haricots verts semblèrent s’y plaire, il m’apprit à les buter et j’aimais bien le faire à la main « à coucou » entre les raies; ils poussèrent vite et l’on en mangea à toutes les sauces pendant tout le mois de mai …
Puis vinrent les pieds de tomates qu’il fallu tuteurer et pincer. Les fleurs furent prometteuses, mais les fruits de formes variées, mal fichus avec souvent avec le cul noir. Elles assurèrent cependant les salades ‘à la niçoise’ de l’été.
Mais j’oubliais le basilic ! C’était à moi d’aller le cueillir le soir pour parfumer la soupe où finissaient les tomates les plus moches avec quelques pommes de terre pour le moelleux et l’ail pour la santé…
Le basilic a besoin d’eau chaque jour et poussait sagement à 1m du robinet.
J’avais en charge son arrosage journalier et j’étais fière d’aller couper ses feuilles pour la cuisine, sauf que le soir si ma mère en avait besoin, il fallait traverser une vraie jungle sans sentier apparent pour atteindre le coin jardin nourricier. J’avais 7/8 ans et j’y allais avec angoisse, tout m’accrochait , me griffait, les bruits curieux des écureuils et des oiseaux nourrissaient mon angoisse et j’en repartais en courant, mon bouquet à la main, retenant mon souffle pour aller plus vite. Je me faisais des peurs comme on sait en avoir à cet âge.
Je suis devenue jardinière, et au fil des années j’ai appris les fleurs, les arbres, les champignons… Tout ce qui pousse m’intéresse mais je n’ai jamais fait de potager. Pourquoi ? me demande-t-on souvent. Je réponds que ce n‘est pas mon truc le nourricier, mais je sais bien que c’est sans doute le souvenir de la grosse peur du basilic qui n’a pas fait de moi une potagiste !



